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JPC s'explique sur Narcisso-Métal
par Alexie Virlouvet
Dans La Fiction
d'Emmedée, vous écrivez que Duras vous aurait dit que Narcisso-Métal était un
film d'écrivain... Mais d'abord il existe vraiment ce film ?
Vous semblez ne pas vouloir le montrer...
-Narcisso Métal est bien
un film, il existe oui, et j'ai été effectivement présenté à
Marguerite Duras par Marcel Mazé au Festival du jeune cinéma de Hyères à la sortie d'une séance où il avait été projeté. Oui,
elle m'a dit qu'elle trouvait que c'était un film d'écrivain...
Évidemment je ne suis pas sûr de la sentence exacte. Je n'ai jamais
eu l’enregistrement de ça (rires) et en plus je l'ai rapportée
dans La Fiction d'Emmedée, ce qui veut dire aussi que j'ai pensé et
repensé de multiples fois à cette scène de rencontre...
-Ça vous a plu qu'elle
dise ça ?
-Oui, bien sûr, parce
que j'écrivais et qu'elle ne pouvait pas le savoir. Parce que je n'avais
rien publié, à part quelques bricoles. En fait, je n'étais pas
considéré comme écrivain, je ne l'étais pas. Tant qu'on n'a pas
publié un livre, on n'est pas écrivain... Je crois que ç'a été
assez fondateur de notre amitié que je fasse des films et que
j'écrive.
-Pourtant il n'y a pas de
textes dans NM, la bande-son c'est de la musique !
-Oui, j'ai pris
conscience tout récemment que ce n'était pas en raison d'un écrit
qu'elle avait pensé que j'étais écrivain. Je présume qu'elle avait capté
quelque
chose dans la façon d'agencer les images et la musique, je ne sais
pas...
-Alors pourquoi ne pas
montrer ce film, s'il existe.
-C'est un film fait avec très peu de
moyens, d'une qualité d'image un peu faible. C'était plus ou
moins voulu, ça se faisait les films "sales" en cette fin des années
1970, on se moquait un peu de la qualité des images que sinon on
appelait publicitaires, ça n'avait pas beaucoup d'importance.
-Ce serait la seule
raison qui t'empêcherait de le diffuser ?
-Non, il y a le temps qui
a passé, je suis très en scène, il y a une scène surtout où je
suis nu, un peu ambigüe...
-Ça te dérange ?
-Oui et non. J'avais
beaucoup hésité à laisser cette scène qui fait l'objet d'une
anecdote dans La Fiction d'Emmedée... Parfois j'aimerais bien
pouvoir l'arranger un peu, ce film, comme pour tous mes films, en
faire un léger remontage, enlever quelques plans, le rendre encore
plus rapide...
-Vous avez fait plusieurs
films que vous semblez cacher...
-Non, pas cacher, sans
doute j'ai eu le sentiment d'un inachèvement, je n'ai jamais été
complétement content de mes films. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai cessé d'en faire...
-Vous en avez réalisé
trois dont un long métrage ?
-Précisément 5 courts
et deux longs (*). Et, à part le dernier long (Fréquence
perdue), ils ont tous été faits avec trois bouts de ficelles
comme on disait, tournés avec une caméra 16 Bollex à remontoir et
de la pellicule et des bobines-son achetées au noir dans les couloirs
de l'ancienne Télévision française...
-Oui, mais on vous demande
de montrer NM, justement parce qu'il est à l'origine de votre
rencontre et de votre amitié avec Duras.
-...Le dernier long métrage, Fréquence perdue, je l'ai fait
en 1982, à une époque où je voyais souvent MD, elle avait voulu
venir sur le tournage, ça l’intéressait beaucoup, elle était
finalement venue assister à la projection des rushs au cinéma St Severin,
toute une nuit...
-Donc ce n'est pas
seulement NM que nous ne voulez pas trop montrer ?
-Même si c'est un peu
illusoire, je voudrais tous les "revoir" à l'occasion d'une
numérisation, comme on dirait les remixer...
-Donc après un remix vous les diffuseriez?
-Pour NM, il y a aussi par exemple des problèmes de
droits qui limitent sa diffusion aux festivals. J'y ai mis la musique
que j'écoutais à ce moment-là et que j'aimais, la bande-son
c'est un montage hyper rapide de musiques classique et rock, comme cela ne se
faisait pas encore et qui s'est fait ensuite sur la radio FIP... Je
vais peut-être refaire la bande-son à l'occasion d'une
numérisation.
-On peut raconter
Narcisso-Métal en disant « Portrait of the artist » ?
-Joyce ?... Oui, pas seulement,
c'est le narcisse de l'auteur, la confrontation à l'image, à l'image
renvoyée, à celle(s) qu'on fabrique... Une mise en scène d'un mal être
aussi. Un
auto-portrait en l'occurrence. A l'exception de quelques scènes
tournées par des proches, la plupart ont été filmées par moi-même
avec retardateur ou déclencheur à distance de bras. Ce qui
parait simple aujourd'hui et qui ne l'était vraiment pas avec
l'équipement de l'époque. D'où le côté artisanal du film...
-Vous écriviez déjà?
-Oui, j'ai commencé par
écrire, avant de faire des films. J'ai fabriqué NM à peu près en
même temps que j'écrivais Rauque la ville. Peut-être un peu avant,
ou bien j'avais commencé un premier écrit de Rauque la ville, puis j'ai
fait NM, puis je me suis remis à l'écriture de RLV etc. Je l'ai écrit sur
plusieurs périodes ce livre, y compris à une période ou je
travaillais la nuit pour un boulot basique qui me laissait le temps
entre deux actions d'écrire et réécrire ce Rauque la ville
-Donc c'est un peu le
même décor, les mêmes thèmes dans les deux ?
-Il y a un cousinage de
couleur, de tonalité, de musique. Je parle de la petite musique qui
court tout le long d'un livre, quand il y en a une. Mais bien sûr
c'est beaucoup plus radical dans le livre, beaucoup plus élaboré.
Dans NM, il n'y a pas l'écriture de RLV. On peut aussi
le considérer comme de la littérature, si on l'aime, mais ce n'est
pas au niveau de l'écriture du livre...
(*) Dis/cours, Narcisso-Métal, J'aimais encore cette vallée, Less et more et Dave chanteur de rock.
Quand je pense à Jacences et Fréquence perdue.
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