Quiconque observe la langue au
travers de sa graphie, de ses inscriptions ou de son étymologie
comprend combien l'histoire de la langue est l'histoire de
l'expérience de cette langue.
De même à travers son orthographe, ou même sa
grammaire, on perçoit combien la langue s'est constituée
et n'a cessé de se former
dans la nécessité de son utilisation.
Les néoconservateurs de la langue française s'offusquent
sincèrement de toute modification de la langue, comme s'il n'y
en avait jamais eue, alors que cela a toujours été.
Il est aisé de constater combien de
significations ont disparu et combien de mots nouveaux et d'acceptions
nouvelles sont apparus... Il est facile de constater
combien le sens des mots s'est transformé, parfois
jusqu'à se retourner et n'avoir plus rien à voir avec le
sens considéré comme originel.
La réalité est bien que les modifications n'ont jamais
cessé comme formation. Qu'en cela le concept de
détérioration ou d'appauvrissement de la langue est
inopérant.
Reconnaître cet état de fait, en continuer le processus, donc
poursuivre l'expérience de la langue n'est pas vouloir
la détruire
ni la rapprocher d'une langue étrangère (l'anglais
américain) mais choisir d'amplifier le champ du français.
C'est à dire d'amplifier sa capacité à
véhiculer de la pensée, davantage de perceptions,
d'autres concepts.
Oui, en le continuant ce mouvement on renforce la langue.
A l'inverse, bloquer cette démarche expérimentale
naturelle à la langue c'est bloquer ceux qui la parlent et
l'écrivent, les rendre infirmes, instituer une sorte de handicap
pour tous.
Il est piquant de constater que les conservateurs
refusent des formes nouvelles qu'ils trouvent vulgaires sans se rendre
compte qu'ils cherchent à conserver des formes qui
elles-mêmes avaient été considérées
comme vulgaires
par des prédécesseurs etc... C'est que les formes
naissent des transformations de la vie et par suite des
nécessités de la formulation.
Il devient alors ridicule
d'imposer aux enfants illogismes et autres aberrations, absurde de
maintenir comme orthographie des anomalies (par exemple le x du pluriel
pour certains mots en ou et pas pour les autres etc etc) ...
La langue n'est pas seulement de transmission,
m'objectera-t-on, la langue est aussi et surtout une langue de culture.
Certes, raison de plus pour y intégrer celle de notre
époque, de sorte que reste contemporaine cette langue dont on
sait que certaines finissent par devenir classiques et mourir à
force d'être la langue d'une culture du passé.