texte 37
Elire au suffrage universel le/la président(e) de l'Europe
par Jean Pierre Ceton
On a
besoin d'un sursaut européen. Alors il faut foncer. Voilà que la
CDU, parti majoritaire en Allemagne, propose d'élire au suffrage
universel le/la présidente de la commission européenne,
actuellement nommé(e) après moultes tractations par les chefs
d'états ou de gouvernements.
Il faut
prendre la balle au rebond au moment où l'Europe est mise en
difficulté avec sa monnaie ou sa dette ou ses défauts de crédit
et/ou de croissance. Il faut que les partis en France et les partis
de gauche en Europe se prononcent pour cette élection, et qu'on le
fasse vite.
Hélas
l'idée n'est pas reprise à Paris et dans nombre de capitales
européennes qui, selon Le Monde, ne seraient pas emballés par la
perspective d'avoir un/une président(e) allemand(e) à la tête de
l'UE, par suite de son poids démographique et donc électoral.
Argument
assez fallacieux, étant donné que l'addition de deux pays
importants, au moins, annihile le poids d'un grand pays. Et puis
l'élection se ferait probablement plus sur une personnalité que sur
son appartenance à un pays..
Organiser
la désignation par tous les européens d'un président d'Europe
éviterait en premier lieu l'imbroglio des trois présidents actuels
(de la commission, du conseil européen et celui de la présidence tournante).
Mais elle donnerait surtout une « personnalité » à
l'Europe, en même temps qu'elle réconcilierait les peuples avec
l'institution de l'Europe. Les citoyens européens qui se sont sentis
jusqu'alors peu concernés par l'Europe, retrouveraient confiance en elle,
motivés qu'ils seraient par une élection au suffrage universel,
ainsi que le démontre l’intérêt qu'elle suscite en France.
Les
Européens doivent savoir que même avec 450 millions d'habitants,
ils ne sont plus guère qu'1/15ème de la population mondiale et
que leur part à horizon 2050 va encore s'amenuiser à 1/20éme. Ils
devraient prendre conscience que leurs divisions en nations les
affaiblissent et les menacent de ce que certains milieux anglo-saxons
prédisent, ou bien souhaitent, la voir sombrer avec l'Euro.
Au fond,
ce ne serait que la troisième fois en un siècle. En 1914,
l’Europe venait de connaître des années d'essor économique, de
brillance artistique et intellectuelle incomparables, cinq ans plus
tard ses forces vives décimées, elle devenait le suiveur des USA.
Moins de
trente ans après, elle tombait en ruines après de très longs mois de cauchemar dont
il devient presque difficile de se représenter la terreur, l'horreur
et la barbarie.
Soixante-cinq
de paix plus tard, personne n'a envie de voir l'Europe libre,
civilisée, pacifiée et pacifique, sombrer à nouveau dans on ne sait quel
patafouillis.
Heureusement,
cette hypothèse est tout à fait improbable.
D'abord
parce qu'il y a des solutions techniques pour s'en sortir. Y compris
les plus audacieuses ou les plus farfelues, après tout, si
l'Allemagne peut emprunter à moins de 2%, elle peut tout autant
prêter à 2 ou à peine plus à ses nations amies de l'Europe. Tout
comme la Grèce et l'Espagne font profiter de leur soleil et la
France de son électricité etc.
On voit
par ailleurs que les annonces les plus catastrophiques ne sont pas
suivies par les faits. Et aussi que les prévisions sont
« facétieuses », comme dit Michel Rocard à propos de
celles concernant la croissance.
Pourquoi
donc la classe politique français ne parait pas vouloir reprendre la
proposition allemande? Outre qu'elle est trop focalisée
sur sa propre élection présidentielle, elle s'est sans doute
souverainisée, devenue souverainiste, à force de compétition entre
anti-européens, postulant que c'est là le désir de la population
alors qu'elle changerait certainement son opinion à l’égard de l'Europe
si elle élisait son président (avec un vice-président
qui forcément serait d’une autre région d’Europe).
Doit-on y
ajouter la crainte de perdre de son
pouvoir de la part d'une classe politique nationale, pourtant devenue des « notables locaux », comme
a pu dire Ségolène Royal.
Ou bien
ce qui serait pire, trop repliée sur elle-même, elle n'y croit pas,
elle ne croit plus à l'Europe.
Pourtant
cette élection au suffrage universel est possible et selon toute
vraisemblance elle se fera.
La
question est de savoir si on s'y met, si on fonce, ou bien si on
préfère attendre les calendes grecques !
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