Ici
dans le studio du Théâtre, sous les grands escaliers de
Chaillot, on ne fait pas son théâtre. Il n' y a pas de séparation qui fait le théâtre,
plus d'instance fermée et fermante ou pas vraiment, les
comédiens sont déjà là en jeu lorsque le public arrive, et d'ailleurs est-ce bien du public
qui est
accueilli par le metteur en scène lui-même. La pièce s'appelle du nom de ce dernier, la pièce?
Deux pièces, pour dire en deux parties. Un spectacle oui. Dont
on pourrait presque penser qu'il s'invente sous nos yeux, mais comme
dit Yves-Noël Genod, tout est calculé.
Le
public n'est plus vraiment du public, pour preuve le renversement
scène / gradins à la pause du milieu de spectacle qu'on
n'ose plus appeler entr'acte, ainsi les
acteurs en 2ème partie jouent là où se trouvaient les
gens en 1ère partie. Les gens, pas du public, dans le sens où
on ne sent pas traités comme ça, ni de grand ni de
petit.
Des
gradins donc, des murs de squatt, de l'éclairage, oui des
floods, parfois sur les spectateurs... Pas de coulisses ni de loges, celles-ci sont sur les côtés, là où sont entassés
les accessoires que les comédiens viennent piquer, puis en acteurs ils s'habillent ou plutôt se
déshabillent sur les gradins de la scène, où ils
déboulent avec des sacs de voyage ou de ville
contenant leur matériel, et ils les déballent ces sacs
autant qu'ils en dévident ce qui va avec, un sketch, une
saynette, un numéro, un moment peut-être...
Des
moments entrecoupés ou bien soutenus par une bande son active
et la musique de Pierre Courcelle, parfois classique, parfois
durassienne, parfois romantique, en fait de cette musique qui renvoie
à celle que nous tous ne pouvons pas passer une journée
sans écouter, quoi? en vivre...
Sur
scène? Comme sur un plateau, un parvis, une place, où
ces drôles de corps se jouent autant qu'ils le peuvent de la
pesanteur des temps. Sont-ils des SDF comme à l'origine du
projet il était prévu? Ou bien plutôt des novo
corps, qui expriment un mode d'être présent, et complet
surtout. En effet tout du corps doit y passer, des petits riens du
corps aux grandes enjambées sur les murs verticaux, des corps
habités de leurs pensées plus qu'à l'ordinaire,
en fait des corps plus habités de leurs propres pensées
qu'hier.
Peut-être
manque-t-il du texte, enfin il y en a, souvent partiellement
compréhensible,
un peu à la Jacques Tati, il y en a du cynique ou drôle
a travers des anecdotes, des petites histoires, qu'est-ce qu'il y a
d'autres en général?... Il manque peut-être, ce qui manque
partout, du texte structurant le possible sinon le potentiel que l'on
perçoit et ressent.
Mais
le spectacle d'Yves-Noël G. est un spectacle, pas un manuel de
philo, un spectacle – avec de l'invention, parfois des trucs avec
rien- qui s'il est un peu trash ou cynique ou dérisoire ou sur le fil... reste fin, car le déroulement toujours
se joue classe! Ce qui ailleurs serait plus ou moins bonne provocation est
là comme champagne proposé à l'entrée,
autant dire qu'il provoque une sorte d'exaltation montante et jouissive.
Une
fin particulièrement réussie produit une sorte de
fusion avec le public, le public? En fin ceux qui étaient là,
qui n'étaient pas acteurs certes, peut être des
comédiens malgré eux et grâce à eux,
Marlène,
Felix, Kate, Yvonnick, Mohand.
JPC Photos P. Berger
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