lettre au lecteur                  

texte 6

Analogiques versus numériques
 par  Paul Alvigna

Hommage à Derrida, le philosophe porteur de pensées, le penseur de la déconstruction, le guetteur de l'imprévisible, le voyant du promis mais non assuré etc.
Hommage est fait, mais rien ne fait un hommage sans regrets.
Regret qu'il soit mort.
Regret qu'il n'ait pu poursuivre son oeuvre de déconstruction dans et à travers la pratique d'internet.
Regret qu'il n'ait pu théorisé son attachement au livre au-delà de la culture du Livre (comme on dit les religions du Livre).
Regret également qu'il ait opté pour la rigidité à l'égard de "la grande langue française, plus intouchable que jamais", écartant la déconstruction en ce domaine et donc toutes perspectives de novation et de possibilités de modification de la langue qui en a néanmoins toujours connues.: Penser à Voltaire réclamant en son temps une grande réforme du "françois" qui interviendra presque un siècle après (1835). Ou bien penser au Derrida qui formulait l'idée de mathématisation de la langue en opposition à langue naturelle?
Regret qu'il ait adopté le cliché du rejet du temps présent au contraire des années 1970,  "cette époque "heureuse" de naguère où rien n'était irénique, certes".
Regret en effet qu'il se soit rangé à des positions répandues ("... dans un monde plus inégalitaire que jamais"... (qu'en est-il de l'accès au savoir par exemple?)) sans doute sous la pression d'un entourage officiel. Qu'il doit être difficile à un moment pour le penseur de rester seul, sans entendre les voix qui crient sur l'air de tout savoir et d'avoir raison sur tout!
L'hommage à Derrida conduit à traiter des bien-pensants de l'analogique. De ces gens qui ne pratiquent pas le numérique, n'utilisent pas ou peu l'ordinateur, ne se servent pas ou seulement avec défiance d'internet etc.
Ceux aussi pour qui l'écrit de l'internet ne parait pas en être vraiment. Ainsi quand on dit à certains d'entre eux qu'il y a de l'écrit sur internet, ils prennent un air idiot pour affirmer que quand même ils préfèrent lire Balzac ou Kierkegaard, sans considérer qu'en un clic ou deux on peut trouver des textes de ces auteurs.
On doit se rendre compte qu'à ce jour de fin 2004 en France une majorité de personnes des diverses institutions intellectuelles ou instances de pouvoir sont majoritairement des gens analogiques et, plus précisément, des structurés mentaux analogiques. État qui les conforte en une sorte de ressassement puisque leur monde est par définition fermé à la stricte figure du passé.
On m'objectera qu'on peut pratiquer le numérique et rester analogique dans l'âme, voire se revendiquer archéo. Ainsi les intégristes de tous poils utilisent et abusent d'internet pour la propagation de leur propagande.
Cependant ils restent enfermés dans leur monde fermé, au contraire des structurés mentaux numériques qui portent et vivent l'ampleur d'ouverture inouïe et sans égal du numérique.

...

2004 tous droits réservés / texte reproductible sur demande
Des convictions et des hommes
Pour une littérature numérique
Détestation du mot bouquin
Poursuivre l'expérience de la langue
La question du support
retour page principale
haut de page
écrire à  lettreaulecteur