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texte 4

Poursuivre l'expérience de la langue

par Jean Pierre Ceto
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Quiconque observe la langue au travers de sa graphie, de ses inscriptions ou de son étymologie comprend combien l'histoire de la langue est l'histoire de l'expérience de cette langue.
De même à travers son orthographe, ou même sa grammaire, on perçoit combien la langue s'est constituée et n'a cessé de se former dans la nécessité de son utilisation.

Les néoconservateurs de la langue française s'offusquent sincèrement de toute modification de la langue, comme s'il n'y en avait jamais eue, alors que cela a toujours été.
Il est aisé de constater combien de significations ont disparu et combien de mots nouveaux et d'acceptions nouvelles sont apparus... Il est facile de constater combien le sens des mots s'est transformé, parfois jusqu'à se retourner et n'avoir plus rien à voir avec le sens considéré comme originel.
La réalité est bien que les modifications n'ont jamais cessé comme formation. Qu'en cela le concept de détérioration ou d'appauvrissement de la langue est inopérant.
Reconnaître cet état de fait, en continuer le processus, donc poursuivre l'expérience de la langue n'est pas vouloir la détruire ni la rapprocher d'une langue étrangère (l'anglais américain) mais choisir d'amplifier le champ du français. C'est à dire d'amplifier sa capacité à véhiculer de la pensée, davantage de perceptions, d'autres concepts.
Oui, en le continuant ce mouvement on renforce la langue.

A l'inverse, bloquer cette démarche expérimentale naturelle à la langue c'est bloquer ceux qui la parlent et l'écrivent, les rendre infirmes, instituer une sorte de handicap pour tous.
Il est piquant de constater que les conservateurs refusent des formes nouvelles qu'ils trouvent vulgaires sans se rendre compte qu'ils cherchent à conserver des formes qui elles-mêmes avaient été considérées comme vulgaires par des prédécesseurs etc... C'est que les formes naissent des transformations de la vie et par suite des nécessités de la formulation.
Il devient alors ridicule d'imposer aux enfants illogismes et autres aberrations, absurde de maintenir comme orthographie des anomalies (par exemple le x du pluriel pour certains mots en ou et pas pour les autres etc etc) ...

La langue n'est pas seulement de transmission, m'objectera-t-on, la langue est aussi et surtout une langue de culture. Certes, raison de plus pour y intégrer celle de notre époque, de sorte que reste contemporaine cette langue dont on sait que certaines finissent par devenir classiques et mourir à force d'être la langue d'une culture du passé.


2004 / tous droits réservés / texte reproductible sur demande

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