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  Houellebecq qui a tué la gauche

      par Jean Pierre Ceton

La gauche a disparu, qu’est devenue la gauche, se demande-t-on ? C’est Houellebecq qui a tué la gauche et ses valeurs. Il les a torpillées une à une du poids de sa dérision camouflée par ce qui serait un grand sens de l’humour…

Voici que surgit une 5ème vague du covid-19 et en même temps le huitième roman de Houellebecq ventru de ses clichés idéologiques. Car ce ne sont pas les 300 000 exemplaires de tirage de base prêts à nous submerger qui sont redoutables, il n’est pas le seul auteur à connaître un fort tirage, il y en a même des dizaines qui ne font pas parler d’eux. Ce qui est redoutable, au-delà d’une écriture très habile, c’est le débit idéologique délivré tout le long de ces centaines de pages de clichés y compris d’assertions loufoques qui passent le plus souvent par des évidences. Par exemple celle-ci tirée d’un entretien au Monde : « ce sont les bons sentiments qui font la bonne littérature » qui doit le faire bien rigoler, à défaut de le penser, car c’est juste une inversion de ce qu’on dit généralement, on a toujours affirmé le contraire. Etdu coup il fait gagner l’évidence, moteur de tout bon populisme...

C’est Jospin, porte-drapeau de la dernière gauche triomphante, qui apporte en cadeau Les Particules élémentaires à son ministre Chevènement traité à l’hôpital fin 1998. Ce dernier trouve le livre « dur mais bon ». Voilà comment, par suite, les premiers lecteurs de Houellebecq seront des électeurs de gauche avant de le devenir massivement.

Ils vont adhéré à Houellebecq qui les pousse à abandonner le progrès, en réfutant Les Lumières, et les bonnes valeurs de gauche, en rejetant l’humanisme dont il se moque avec délectation. Il sest rapproché ainsi d’une idéologie ordinaire allant jusqu’à mettre en cause les droits de l’homme (des humains) qu’il méprise, attaquant l’islam et les musulmans ou exhibant sa misogynie. Il préparait alors un terrain d’atterrissage élargi pour l’extrême-droite. Désormais il n’y aurait plus vraiment de gauche, à part celle des néo-conservateurs de la gauche propriétaires de valeurs vidées de leur contenu. Depuis tout a glissé à droite, son lectorat s’est accru de la gauche vers la droite, récupérant au passage un ministre écrivain dans Anéantir, son dernier bouquin dont il est difficile de dire du mal tellement il est couvert de louanges. Et ce d’autant plus qu’il va faire gagner beaucoup d’argent au monde de l’édition, y compris à nos chers libraires.

Les ingrédients habituels qui font les romans de Houellebecq continuent de soutenir ses romans, un peu d’enquête policière, un peu de tragédie humaine comme dans les séries. Et bien sûr l’amour fellation qui, chez lui, le machiste, genré à point, ne laisse apparemment pas de place à une réponse en forme de cunnilingus.

Rappeler sa vision du lecteur pour qui il écrit : "Si tu veux avoir des lecteurs, mets-toi à leur niveau! Fais de toi un personnage aussi plat, flou, médiocre, moche et honteux que lui. C'est le secret » (Le Figaro 14/08/2008).

736 pages, ça veut dire que pendant des jours on s’instille les galimatias de pensées de Houellebecq dans la tête, dont au bout du livre il doit rester quelques bonnes prises, par exemple «  toute démarche de civilisation » qu’il nomme « par convention de langage, la gauche».




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3/1/2022 / tous droits réservés / texte reproductible sur demande / m. à j. 10/1/2022
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