f             
texte 60

   

Le « Duras » de Jean Cléder (*)


(Les Peregrines Icones  2019)


par Jean Pierre Ceton


Cher Jean, j’ai commencé à lire ton « Duras » sur mon chemin de retour de la librairie Léa des Libres Champs, à un arrêt de bus faute de trouver un banc pour m’assoir. Et puis j’ai continué chez moi, deux heures après je l’avais terminé, ravi de l’avoir lu, vécu comme un tour complet sur Duras, elle tout compris dans un recueil bien mené et bien compact. Un peu trop de Godard à mon gout, elle ne l’aimait pas ni ne connaissait vraiment ses films, c’était juste un concurrent loin de son monde ! Pas grave.

Cette lecture me rappelle une fois de plus qu’on a beau faire le tour de la question ou le croire, et toujours apprendre et découvrir des choses qu’on ne savait pas ou bien qu’on avait oublié. Par exemple que Jean Outa avait été à l’origine de L’Amant par une demande de légendes pour des photos qu’elle aurait continué de développer sur les « conseils » de Turine ! Elle n’était pas quelqu’un qui écoutait les conseils et puis c’est une hypothèse qui me renvoie plutôt à la réalisation du film Les Enfants. Je ne sais plus. J’ai surtout le souvenir de mois où MD, portant une écriture très enthousiaste de L’Amant, paraissait inspirée, sans trop en parler à part dire que ce n’était pas un roman mais des chroniques ! Me revient aussi une autre explication, savoir qu’elle s‘était mise à écrire L’amant quand « Yann était revenu aux hommes » ! Ou bien était-ce « retourné aux hommes » ?

Je ne savais pas qu’elle avait envoyé (et renvoyé, comme tu le dis) L’Homme assis dans le couloir à Yann. Quand je l’ai rencontrée en septembre 1979, lui parlant par hasard d’amis de Caen qui dansaient sur la musique d’India Song, elle m’a parlé de ce quelqu’un de Caen qui lui écrivait, et j’avais compris qu’elle allait lui répondre finalement. À ses lettres.

Durant l’enregistrement des Entretiens pour France Culture (en présence de Yann) on a parlé de « L’Homme assis dans le couloir » sans qu’apparaisse qu’il ait pu y avoir une divergence sur ce livre. Sans importance. Voilà que feuilletant la fin de ton Duras et la « bibliothèque » pour vérifier l’ordre de parution des livres en 1980, je ne trouve pas « L’Homme assis dans le couloir », me laissant alors aller à l’idée que Yann ayant trop détesté ce livre l’aurait fait retirer de cette liste !

Ton « Duras » renvoie un peu à tes notes de « On ne peut pas avoir écrit... » par le choix de l’illustration, des photos, et par tes encarts, il les englobe ou les complète de ton point de vue. Dire combien j’ai été touché par la page de Libération du « Sublime, forcément sublime » modifiée par elle sur le journal même, à l’encre manuscrite, conduisant à une version retouchée du texte avec un titre raccourci puisqu’elle y efface le premier « Sublime » !

J’ai aimé lire ton livre sans approuver pourtant tes lignes de conclusion selon quoi elle se retrouve tout près des « touche-à-tout » de l’art contemporain. Ça ne devrait pas t’étonner sachant ce que je développais au colloque de Montréal : Pour MD tout était orienté vers le développement de sa fiction, de sorte qu’elle produisait de la littérature quel que soit le support !


* (auteur des « préface, notice et notes » des Entretiens avec Marguerite Duras : On ne peut pas avoir écrit Lol V. Stein et désirer être encore à l’écrire (Bourin 2012)


                                                                                 sommaire   haut de page
5/8/2021 / tous droits réservés / texte reproductible sur demande / m. à j. 6/8/2021
La page de jean pierre ceton
Dans la francophonie continuer le français
Pour une littérature numérique
Détestation du mot bouquin
Poursuivre l'expérience de la langue

retour page principale
écrire à lettreaulecteur